Un gisement Provençal majeur : Le filon de baryte des Porres, les Arcs-sur–Argens (Var)
Découvert dès avant la première guerre mondiale, le filon de baryte des Porres fît l'objet de quelques travaux artisanaux, mais c’est en 1946 que débuta l’exploitation de ce qui allait se révéler comme un des plus importants filons du district fluoro-barytique provençal par son extension, sa régularité et sa puissance mais aussi, avec 750 000 t extraites, comme le troisième gisement français de baryte par sa production. Les travaux sont ainsi conduits par Pierre-Jean HERBINGER à travers la SOCIETE D'EXTRACTION DE MINERAUX puis rapidement avec la SOCIETE DES MINES DE GARROT qui sera gérée par ses fils après son décès accidentel en 1972 ; elle sera cédée en 1979 à un autre exploitant de baryte français, la SOCIETE DES COULEURS ZINCIQUES, qui poursuivra l'exploitation du gisement jusqu'en juillet 1983.
Les travaux miniers, conduits en souterrains mais demeurant administrativement sous le régime des carrières en raison du caractère non concessible de la baryte, seront arrêtés après 37 années d’exploitation continue alors que l’ensemble du gisement parait avoir été reconnu et que, outre une conjoncture devenue défavorable pour la baryte, un épuisement commençait à se profiler à terme condamnant l'exploitation à l'échéance de quelques années ; ce sont cependant les difficultés de la société-mère qui conduiront à la fermeture de ses différents sites de production ainsi qu'à la mise en liquidation de sa filiale en 1984.
Situé dans les reliefs du massif des Maures au Sud de l'Argens et à 3 km de piste du pont de l'Aille, le gisement s'étend sur 600m d’allongement et 300m de hauteur avec une allure en « Y » dans sa partie amont ; une passée stérile s’intercale dans le filon sur sa moitié inférieure où elle détermine une distribution du gisement en trois lentilles successives dénommées « Centrale », « Bou Kidi » et « Bruno ». Exploité par 4 niveaux principaux creusés à flanc de coteau de 1946 à 1961, échelonnés entre les cotes 220 et 82 au niveau du vallon de Bozole, le gisement a ensuite été développé en profondeur avec des travaux miniers desservis par un puits intérieur jusqu’à -90m achevé en 1966 (cote -10 sous le niveau de la mer), puis au-delà par un plan incliné à 45° jusqu'à -160m qui sera terminé en 1978 et à partir duquel les niveaux -35 et -70 seront creusés. Les travaux souterrains totaliseront ainsi plus de 7 km de galeries, puits, cheminées et descenderie. Après avoir un temps été traitée dans la laverie du Muy qui recevait le minerai du gisement de Pennafort puis à Vidauban, la baryte sera ensuite transportée par camions jusqu'à une usine de traitement gravimétrique établie à la gare des Arcs en 1960 avec concasseurs, broyeurs, cribles, jigs et tables à secousses, mais une partie aussi fût pendant longtemps transportée par rail jusqu'à une autre usine de broyage de la société située à Valmy dans la Marne. Il était ainsi obtenu différentes qualités de produits, en vrac ou ensachés pour divers usages : colorant blanc pour les peintures, confection de bétons anti-radiation, verrerie, etc. mais aussi pour les produits de moindre qualité comme les boues de forages pétroliers ou encore pour lester les obus lors des tirs d’exercice du camp militaire de Canjuers.
Le remplissage filonien se composait à 80% de baryte avec de la fluorite accessoire ainsi qu'un peu de quartz et de calcite, et si la paragenèse du gisement demeure globalement pauvre en espèces minérales, des phénomènes tardifs de dissolution de la baryte ont ménagé de vastes cavités géodiques dans lesquelles se sont développés, outre les classiques groupements en lamelles blanches, des cristaux de baryte qui figurent parmi les meilleurs échantillons français avec notamment des cristaux épais et limpides aux extrémités verdâtres dont l'allure particulière et caractéristique permet d'identifier l'origine sans erreur. De rares cristaux de baryte d'une délicate teinte bleue viennent compléter le dépôt.
La fluorite se développe avec la profondeur et présente un aspect original très différent des fluorites des filons du socle provençal avec une teinte brune souvent foncée voire violacée et une texture microcristalline ; elle se rencontre en cristaux cubiques toujours de faible taille mais aussi avec de curieuses successions de vaguelettes cristallines caractéristiques du gisement résultant d'une inter-croissance en concurrence avec des lamelles de baryte. Des oxydes de manganèse de teinte noire se sont développés sur la partie supérieure du filon, par infiltration depuis la surface sur des zones de dissolution de la calcite, et de remarquables masses cristallines de marcassite ont été rencontrées en profondeur dans la lentille Bruno, mais qui se sont souvent révélées instables dans les collections car les échantillons tendent à se dégrader en sulfates.
Il s'y ajoute enfin de la calcite en cristaux d'allure variée parfois de grande taille et souvent recouverts d'une pellicule siliceuse brune, accompagnés de dolomite, strontianite, sidérite, blende et galène très accessoires ; un sulfure d'antimoine peu fréquent, la semseyite, se présente en fines aiguilles métalliques de quelques millimètres noyées dans la baryte.
Le filon des Porres montre ainsi, outre ses caractéristiques minières remarquables qui ont marqué l’histoire de la commune des Arcs pendant près d'un demi-siècle, le développement sous des aspects inhabituels de minéraux pourtant classiques mais dont la qualité et l'originalité des échantillons en font un des hauts lieux de la minéralogie française.
Pierre ROSTAN - Consultant minier - MINE & AVENIR - 05380 Châteauroux- les -Alpes et 97300 Cayenne
et Gilbert MARI – Président de l’Association des Naturalistes de Nice et des Alpes-Maritimes (ANNAM).
Edité avec le concours de l’ANNAM, de l’Association Nature Patrimoine et Paysages des Arcs et de la mairie des Arcs-sur-Argens (Service de l’Environnement et de la Forêt).